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ISTANBUL

                De Ste SOPHIE à TOPKAPI                      

                               

       

        Par Rached Trimèche

 

 

Istanbul. (Août 1986).  Istanbul restera ce grand rêve lié à la magie même du nom. Istanbul la capitale du Bosphore. Istanbul la seule ville au monde  qui enjambe deux continents (l’Asie et l’Europe). Istanbul qui retrouve après  tant d’années le glorieux " Orient Express " avec ses bronzes, ses dorures, et sa fine cuisine, coulissant sur rail de Paris à Istanbul.

Istanbul, cette ville qui fut au fil de l’histoire Byzance puis Constantinople. Istanbul capitale ottomane, gloire des civilisations romaine, chrétienne et musulmane. Istanbul enfin, où huit millions d’habitants grouillent dans une admirable ville riche de musées, de palais, de mosquées et d’innombrables sites de rêve tel que  l’ensorcelant TOPKAPI.

 

 

 

 

 

Sur les rives du Bosphore, allons à la recherche des traces de Constantinople.

A travers ses mosquées et palais, ce pays de sultans et de vizirs nous fera revivre la gloire de l’empire Ottoman et la grandeur de ce peuple turc.

Le pouls de 55 millions de Turcs reste encore et toujours Istanbul, bien qu’Ankara soit la capitale administrative. La gourmandise des touristes sera encore plus attisée par les merveilles de cette ville… et par l’envie d’aller découvrir la Turquie profonde.

Ce n’est pas du tout le sobre aéroport d’Athènes qui nous attend mais plutôt un petit Cointrain  de Genève  que l’on découvre ce soir dans cet aéroport d’Istanbul. La propreté, l’ordre et un certain luxe sont déjà une première image de cette grande Turquie.

Malgré deux heures de retard, Sinan Erdem, Président du CIGV-Turquie attend vaillamment notre arrivée nocturne.

Ce matin, à la place Tepebasi,  en regardant par la fenêtre de la chambre de mon hôtel  ETAP- ISTANBUL, nous sommes intrigués par le va-et-vient d’un panier accroché au bout d’un long câble, qui glisse sur la façade d’en face. Que fait donc ce " panier voyageur"? Nous sommes dans une étroite ruelle où, dans les magasins du rez-de-chaussée, on sait gâter et choyer sa fidèle clientèle. Il suffit à la brave dame  du troisième de lancer un petit cri de reconnaissance et de coulisser son panier vers le marché, pour le ramener quelques minutes plus tard rempli par les emplettes demandées…La voisine d’à côté ne cesse de fumer cigarette sur cigarette, appuyée sur une série de coussins qui feront des 30cm de bordure de la fenêtre presque un balcon. Quant à la troisième voisine à la radio hurlante,  elle éjecte vers la ruelle, sans frémir,  ce qui devait passer à la poubelle…

Après le luxe  de l’aéroport, la propreté de l’autoroute et la hauteur  de tant d’immeubles et des grands hôtels, nous sommes bien surpris  par cet insolite spectacle au cœur même d’Istanbul.

 

TURKIYE

 

Où se trouve ce curieux pays ? Cet Etat de l’Asie occidentale au Sud-Est de la péninsule balkanique peuplé de 55 millions d’habitants vivant sur une superficie de près de 780 mille kilomètres carrés, soit près de 2 fois et demi celle de l’Italie.

Quatre mers baignent  les rivages de la Turquie: la Mer Noire et celle de Marmara au Nord, et la Mer Méditerranée et Égée au Sud. Six pays encerclent notre vaste Turquie: URSS, la Bulgarie, la Grèce, la Syrie, l’Irak et l’Iran. Sans parler de  l’insulaire voisin, si contesté, Chypre. Ankara  est la capitale de la Turquie que l’on  prononce  et   écrit " Türkiye ". Nous  reviendrons sur ce détail. De cette nouvelle langue de Kamal Atatürk,   qui fît du turc  une simple et pure langue phonétique latine qui perdit ainsi ses caractères arabes.

 L’ancienne  Ancyre, puis Angera, et enfin Ankara, capitale de 2,5 millions d’habitants reste un peu isolée en Anatolie centrale et regroupe surtout les activités politiques du pays.

C’est Istanbul, à l’ouest, qui reste encore synonyme de Turquie  aux yeux du profane et de l’historien. 1/30ème de la superficie de la Turquie se trouve en Europe…à Istanbul. Mais, la Turquie reste un pays asiatique de hautes terres, bornées au nord par la Chaîne pontique et au Sud par les Monts Taurus qui enserrent tout le grand plateau anatolien à l’Est du massif arménien.

Dernièrement, en 1986, un astronaute américain est venu dans cette région du massif arménien, escalader une montagne volcanique sur un socle cristallin pour accéder au Mont Ararat …à la recherche de l’arche de Noé…L’a-t-il vu du hublot de son vaisseau spatial? De toute façon, les recherches  sont ouvertes…

 

PLACE TAXIM

Kandy, le benjamin de notre groupe aura trouvé un infaillible point de repère à Istanbul, la place Taxim. Si vous allez prendre un bus pour aller dîner au bord du Bosphore, ou pour aller visiter le Topkapi, la Mosquée Bleue ou Sainte Sophie, c’est de la place Taxim que vous partirez. Si vous recherchez les rues commerçantes, elles partent presque toutes d’ici. Si vous voulez trouver un bon restaurant ou de  très confortables hôtels, comme l’Etap Marmara, qui rappelle curieusement le Sheraton Doha de Bahreïn, c’est encore de la place Taxim qu’il faut partir.

C’est tout d’abord la gourmandise qui impose notre premier stop rue Istiklal. Une boutique de 6 m² offre aux gourmands une dizaine de variétés de " loukoums ", cette pâte gélatineuse, appelée au juste " Rahat Loukoum" , ou " le repos des gorges " est ici parfumée et mélangée d’amandes et souvent de pistaches, pour un prix variant entre 1.500 et 3.000 livres (1$ US =672 T. livres).Ce même marchands vous proposera de croustillantes noix et noisettes, des pistaches et amandes salées, sans parler d’autres pâtisseries caramélisées comme la baklawa truffé de pistaches, ou tant d’autres " bombes" calorifiques…

Torhane, Directeur du Grand Hôtel d’Istanbul se propose en cette fin de matinée de nous amener en Asie. Le voyage, bien sûr, n’est pas bien long .Il s’agit seulement de traverser  le Pont du Bosphore pour passer d’Europe en Asie. Ce très beau pont rappelle étrangement le Golden Gate Bridge de la Baie de San Francisco. Ici, bien sûr, la Corne d’Or du Bosphore est autre, et la longueur du pont suspendu plus modeste. Construit en 1973, ce pont payant a été amorti en 3 ans à peine. Ce qui poussa les Turcs à commencer la construction d’un second pont enjambant les deux continents, avec l’aide d’une compagnie japonaise, cette fois, le pont dit de " Fatih " ou " conquête " de Mahmed II, Sultan en 1453, conquérant d’Istanbul.

Tout au long de notre promenade, Istanbul se dévoile sous un jour somptueux qui rappelle Budapest l’Hongroise, avec un rien de Californie, un zeste de Madrid, un coin de New York et même un parfum d’ Extrême Orient . C’est cette symbiose multi- architecturale, bucolique et raciale qui fait le charme discret  d’Istanbul. Notre petite FIAT MURAT montée en Turquie, tout comme d’autres FIAT TOFAS essaie de se frayer un chemin à travers les dédales d’Istanbul.

Tout comme à Lima, capitale péruvienne, par exemple, la circulation est très dense. Mais le Turc conducteur  est un virtuose du volant. C’est un peu la conduite à l’italienne doublée d’une discipline allemande…

Ce dernier côté germanique reviendra tout au long de notre voyage turc, pour brosser le côté civique et éthique du Turc. De par son physique déjà, le Turc  d’Istanbul semble être un hybride d’un Germain et d’un Slave. Le teint, le port et la façon de vivre, ne cessent de nous rappeler le côté des Germains. Nous verrons plus loin et en détails, l’origine de ce peuple singulier .Toujours dans notre petite FIAT à 6000$, dans un pays où le SMIG frise les 40$, Torhane, notre guide, nous débarque enfin devant le site attendu : la Mosquée Bleue. 

 

LA MOSQUEE BLEUE

 

Six majestueux minarets s’élancent vers le ciel dans un grandiose et silencieux appel divin, entourant un dôme principale de 33 mètres de diamètre et de  43 mètres de hauteur. A la queue leu leu, et en se bousculant légèrement, les touristes doivent ôter leurs chaussures, porter un foulard pour les dames, et passer un à un par une porte formée d’un pan de cuir soulevé systématiquement par un vigoureux gardien islamique.

A ses côtés, un vendeur de cassettes religieuses a tout l’air de sortir les bras de Khomeiny. L’intérieur de notre mosquée est illuminé par 260 fenêtres. L’énorme coupole repose sur 4 colonnes ou gigantesques pieds d’éléphants de 5 mètres de diamètre. Ces pieds ou colonnes sont recouverts de très belles faïences bleues d’où le nom de la mosquée. La nacre, le jade, le marbre, le cristal, les bois précieux et la céramique bleue sont les principaux ornements de cette mosquée édifiée entre 1609  et 1616 par le Padishah ou Sultan Ahmed 1er. L’architecte Mohamed Sedeftchi aura marqué l’histoire de sa griffe architecturale. A la sortie de la mosquée Bleue, nous nous engouffrons rapidement dans une seconde mosquée bien étrange. Nous sommes ici dans l’église Sainte Sophie qui avec l’arrivée de l’Islam devînt une mosquée, sans aucune destruction des signes religieux, ni aucune profanation des lieux. A la conquête d’Istanbul par Mahmet P, le conquérant ou Sultan Fatih en 1453, on  ajouta un minaret et transforma la cathédrale en mosquée. Avec pudeur, un plâtre léger est venu masquer les vitraux d’antan que l’on devine encore par un soleil radieux. Cela me rappelle hélas tant de sites religieux des 5 continents qui furent eux saccagés par  l’envahisseur à la foi nouvelle.

 

La Mosquée de Sainte Sophie (Ayasofia) est l’œuvre la plus riche, la plus célèbre et sûrement la plus belle. L’ Empereur Constantin 1er ébaucha en 326 cette merveille qui fut reconstruite en 415 par Théodore P. C’est ensuite Justinien1er qui reconstruisit la cathédrale brûlée. L’avènement de Mustapha Kamel Bacha, futur Atatürk fit de cette mosquée un musée où Jésus Christ et la Sainte Vierge sont en harmonie avec d’inimitables arabesques au nom de Dieu le miséricordieux  et son prophète Mahomet.

 

TOPKAPI

Une minuscule gargote, où 25 touristes sont entassés autour de 4 petites tables rondes, nous accueille ce midi face au Parc de Gulhané. Autant reprendre ses forces avant d’attaquer le Topkapi. Des serveurs en blouses presque blanches vous servent, d’une main preste et agile et ne vous cachent pas leur impatience devant la lenteur (quelques minutes) de votre choix. Le riz blanc, les piments farcis, les courgettes, le taboulé, le chich - kebab, les petites saucisses épicées et la sauce noire épaisse s’offrent à vous exposés dans une vitrine.

De belles grosses et juteuses pêches turques seront un merveilleux dessert désaltérant.

Nous voici maintenant au bout d’une interminable queue pour acheter, à 500 livres turques pièce, nos billets d’entrée aux palais et musées de Topkapi.

Sur une surface aussi grande que la cité du Vatican, le Sultan Mahmet le Conquérant commença, en 1453 à édifier ce Palais. Trois siècles plus tard, en 1853, 25 souverains turcs y avaient déjà résidé.

A l’entrée, notre benjamin s’amuse à se planter devant un immobile soldat géant qui garde la porte d’entrée… Est - ce que ses cils bougeaient, était-il de cire ? Le soldat turc ne bronchait pas. Cela nous fit rapidement penser à cette armée turque la plus forte d’Europe. On en reparlera. Imaginez 4 jardins superposés autour d’un sérail de palais. De la cathédrale Sainte Irène à la Fontaine du Bourreau, en passant par le Harem ou Gynécée, jusqu’à la Tour du Guet, haute de 52 mètres , tout n’est que lucre histoire et beauté. D’un autre côté, le Divan, ses bibliothèques et sa mosquée vous permettent de passer du 3ème au 4ème  jardin où se trouve la villa ou kiosque du Sultan noir Mustapha Pacha.

Nous suivons, pas à pas, par une très lourde chaleur, la file ondulante qui s’engouffre dans les hautes  et vastes pièces du musée. Dans la première salle, trônent de somptueuses et rarissimes porcelaines chinoises bleues ou vertes  (céladon), de la dynastie Ming et Yvan, du 13ème siècle. Cinq siècles plus tard, c’est la dynastie Ching qui fera l’expansion de cet art vers le Japon et les pays arabes. Plus loin, le défilé de céramiques continue en passant par celles d’Ildiz jusqu’aux sultans turcs. De ravissantes tasses de café, décorées de portraits de sultans turcs vous invitent à savourer un café de même nom. Dans une autre salle des  "Fez"  turcs, ou hauts-de - forme rouges (chéchia stambouli ou chéchia d’Istanbul) sont accrochés auprès des costumes princiers en étoffe précieuse. D'amples caftans jaunes ou rouges furent portés par les sultans Mohamed P, Bayezit P, Selim I, Soulymen I et Fatih. Ces mêmes sultans posèrent leurs pieds sur des tapis en soie et des sajadas (tapis de prière) en tissu Kümasi.

 

LES TRESORS D’ ANTAN

Plus loin encore, dans une autre salle, nous voici envoûtés comme par le trésor inca de Cuzco, au Pérou. Nous sommes dans la trésorerie où l’or massif est exposé. Un éléphant d’or massif, de 60 cm de haut, voisine avec un énorme bassin et théière, en or bien sûr. Plus loin,  un narguilé d’or est incrusté de diamants et d’émeraudes. Dans un pan de mur est incrustée une vitrine drapée de velours noir dans laquelle un projecteur  met en relief les 300 carats d’une émeraude qui me rappelle mon passage au Museo del Oro, à Bogota en Colombie…où l’émeraude était encore bien plus grosse.

Dans une autre vitrine, une dague de sultan, incrustée de rubis, d’émeraudes et de diamants, jaillit dans toute sa splendeur. Ce poignard royal était le cadeau au Shah d’Iran, Nadir par le sultan Mahmet. Mais entre temps, Nadir fut assassiné et la dague revînt  au Topkapi d’Istanbul.

Ailleurs, un diamants de 86 carats est exposé auprès  d’un lit princier d’or pur, pesant 220 kilos  et au- dessus duquel un chandelier de 48 kilos fait piètre figure. Le dédale continue et les descriptions seraient bien longues. Arrêtons nous simplement dans cette salle du Coran où les épées des fidèles du Prophète Mahomet sont ici exposées.

Du prophète même, on verra la tunique (hirka- i -saadet), la dague, des poils de barbe, et l‘impressionnante empreinte plate de son pieds.

A la sortie, nous sommes trop fatigués pour attaquer une centaine de dames…Celles qui cohabitaient au Harem. Femmes au service des sultans et de leur progéniture. Femmes qui égrenaient leurs journées entre un bain turc, une musique langoureuse et …une fenêtre grillagée. Femme-objets. Femmes au bon plaisir de ces rois, qui peut être malgré tout, n'étaient pas aussi malheureuses que ça à cette époque. Avaient- elles le droit de se poser cette question ? Quant à nous, pour accéder à la visite de ce Harem, il fallait faire partie d’un groupe de 50 personnes, au moins. Telle est la loi du Topkapi au Harem ou « Haram » interdit.

 

A TRAVERS ISTANBUL

 Vouloir décrire ou décortiquer le charme d’une ville serait aussi imprudent, qu’indécent ou que vouloir décrire le charme d’une dame. Celui d’Istanbul est précisément ce « je ne sais trop quoi » qui flotte sur le Bosphore. C’est ce pont qui enjambe la Corne d’ Or et relie l’Europe à l’Asie. Ce sont les dizaines de palais et musées. Mais, c’est surtout cette qualité de vie qu’offre Istanbul.

Il y a certes la beauté de Bora Bora au Pacifique Sud, les enchantements de San Francisco en Californie,  " l’évasion - détente" des Seychelles dans l’ Océan Indien, ou encore, les si riches et différents  mini- Etats  des Caraïbes … Mais, il y a cette capitale du monde  indo- européen qui devient, en1453, par le roi Mahmet P le Conquérant, Istanbul.

Ce matin, nous jouons au lèche -vitrine tout autour de la place Taxim. Notre première surprise vient des noms d’origine arabe ou andalouse que l’on lit partout .Tous les journaux  d’aujourd’hui ne parlent que de " Korban " qui est la fête de sacrifice: l’Aid el Kebir. La Compagnie d’Assurances est ici  "segurta", la banque c’est "bankasi", le marchand de meubles affichera "mubilia", la salle de cinéma sera "cinimazi", "baladia" pour municipalité, "mekez" pour centre.

Les magasins de cuir de toutes sortes offrent, à des prix très modestes, non seulement un très bel artisanat, mais des vêtements et des chaussures de dernière mode et surtout d’une parfaite finition. Les magasins de cristal n’ont rien à envier, ni à Sèvres, ni à Baccarat, ni à la Bohême.

La Turquie depuis quelques années a trouvé avec le cristal un nouveau créneau d’exportation et passe pour un maître européen dans ce domaine. Partout la courtoisie turque vous lance de révérencieux "merci", "tachakor" auquel on répond par "biche deïl" On retrouvera encore des mots arabes dans les discussions, à travers par exemple "aïb" pour indélicat, "mamnou" pour défendu, ou enfin  "afadan" pour allo.

 

LES MILLE ET UNE NUITS

 Un taxi noir nous conduit vers la curiosité d’Istanbul. Nous voici vivant les Milles et Une Nuits aux portes du Bazar d’Istanbul. Imaginez 40 portes qui donnent accès à des superbes souks où 400 étalages exposent 400 différents  produits. Imaginez des souks couverts aux larges et propres rues, parsemées de temps à autre de minuscules cafés ou restaurants permettant aux dizaines de milliers de visiteurs quotidiens de se rafraîchir et se restaurer entre deux achats.

Ici, c’est le bazar des épices. Des dizaines de minuscules boutiques vous proposent des fioles de safran à un prix dérisoire, de la halwa (pâte d'amandes), dite syrienne ou turque , du miel de forêt , du loukoum à gogo, du poivre de toutes les couleurs, des épices de toutes sortes , et même, dans de mystérieux sachets verts, ornés d’une belles moustaches turque …un aphrodisiaque hors pair … Plus loin, le bazar des étoffes vous offre des soies, des laines, du cuir et des tissus de toutes qualités , à des prix sacrifiés . Plus loin encore, c’est la caverne d’Ali Baba qui rutile de 1000 lumières par ses milliers de diamants, vrais en principe, exposés dans des dizaines de vitrines protégées par deux tout maigre millimètre de verre blanc . Du rubis au saphir, en passant par l’or torsadé à 14 carats, tout est vendu à l’avenant à ces centaines de riches clients armés de grosses liasses de Deutsche Marks ou Dollars US. Dans un tout autre quartier de ce grand bazar, les artisans turcs vous proposeront, par exemple pour 1 seul dollar, une miniature en bronze d’un fier sultan lisant son Coran. Les tapis de soie rivaliseront ceux du voisin iranien. Les plateaux de cuivre et d’argent seront souvent incrustés de nacre et ornés  des noms d’ Allah et de son Prophète. Des boiseries de toutes sortes révèlent l’art  et le doigté de l'humble artisan. Et devant chaque étalage, ce rituel jeune homme à la chemise blanche immaculée, qui porte dignement son " terazi" ou plateau de cuivre suspendu par 3 barres soudées à un anneau. Cet habile serveur de café qui, bien sûr, ne fait que servir des café turcs, gratuitement, aux clients des étalages, nous offre son habile spectacle. Kacem,  ce dernier, sans vous laisser le temps de réaliser, retourne d’un doigt habile et musclé, son plateau en deux rotations circulaires et vous sert votre café qui n’est pas pour autant renversé . Mais c'est de claustrophobie que nous sommes vite atteints et grâce à notre vaillant jeune compagnon Kandy, nous nous décidons bien vite à quitter ces lieux isolés pour rejoindre notre guide Tohran qui nous fera visiter le mystérieux Topkapi.

 

 

SUR LES RIVES DU BOSPHORE

 

" Tamm, Tamm", nous lance Fawzié, cette charmante vendeuse de sandwichs aux crevettes panées, pour nous dire que c’est d’accord, le sandwich sera prêt dans une minute. Istanbul regorge de gargotes de tous genres, où le Turc affairé peut se restaurer rapidement. Pour se désaltérer, ce Turc rencontrera de bizarres cafés où l’on ne sert que de la bière. Une brasserie est effectivement insolite dans ce pays à 98% musulmans, et pourtant politiquement laïque…

Nous voici engouffrés dans le dit métro d’Istanbul, qui rappelle la « ficelle » de Lausanne qui n’est qu’un simple train à crémaillère sur une seule ligne droite. Pour 80 livres ce métro vous mène de la place Taraké vers l’avenue Istiklal.

Partout, nous rencontrerons des turcs courtois, disciplinés et policés. Le Turc est un nerveux interne, paré d’amour propre, de civisme et surtout et encore de discipline. Deux mots reviendront souvent dans sa conversation " saber ", patience et " karama ", hospitalité.

On ira plus tard rechercher, au sud « d’Izmir » entre Ephes, Cesme, et Pergame la trace de ces vieilles civilisations hellénique, romaine et ottomane.

Tout au long du boulevard Istiklal, nous sommes intrigués par ces dizaines de câbles téléphoniques parallèles qui pendent en de larges arcs, sur toutes les façades que nous croisons. Ce gâchis architectural  me rappelle les larges et vilains tuyaux d’évacuation d’eau de pluie qui viennent barrer et massacrer la façade des palais de Leningrad en URSS.

Pour ce dernier soir à Istanbul, nous décidons d’aller à 30 Km du centre, manger du poisson sur les rives du Bosphore. La localité de Tarabia, une fois passée, nous arrivons à celle de Sariyer, à la recherche d’Urcan, le célèbre restaurant poissonnier. Dans un gigantesque vivier, des dizaines de poissons nagent en liberté, sans savoir qu’il seront servis 30 minutes plus tard à de friands clients… Un délice de mer, bien sur terre. A 22 heures nous entamons, après un délicieux dîner, une longue marche à pieds de quelques kilomètres.

La Corne d’or du Bosphore vous invite à des lointaines évasions. Les promenades d’Evian, de Cannes ou de Nice sont minuscules par rapport à cette route longeant le Bosphore. De petites et moyennes embarcations voguent lentement, de vigoureux adolescents font un concours de plongée à cette heure nocturne, des dizaines de milliers de passants se poussent pour avoir un bout de trottoir en bordure du Bosphore, des centaines d’enfants trouvent des carrés de sables avec toboggans  installés les invitant à jouer. Tout à coup, un insolite marché nous fait face. Imaginez à 23 heures passées, un marché de poissons plein à craquer. De la sole au mulet, en passant par de gros poissons bleus, tout est offert pour 1000 ou 3000 livres le kilo. Les dizaines de restaurants voisins trouveront ainsi du poisson frais tout le temps et les fins gourmets turcs pourront décider d’un " médianoche" composé poissons.

Beaucoup plus loin, en rentrant, nous passons devant de superbes villas accrochées au flanc d’une colline. Perdue dans 5 hectares de forêts, cette jaune villa de milliardaire prouve la réussite matérielle de l’homme d’affaires turc qui brava les remous politiques et la conjoncture prolongée.

 

ADIEU  ISTANBUL

 

Beaucoup plus tard, dans la nuit avancée, nous nous retrouvons au balcon de chambre de notre hôtel qui s’ouvre sur le Bosphore scintillant, enclavé dans sept collines un peu comme Rome, Lisbonne, Budapest. Bercés par une brise de nuit, nous savourons une bière rafraîchissante, généreusement accompagnée de " charos " ou amuse-gueules composés de noisettes, amandes, cacahuètes et pois chiches salés…

Nous continuons à être bercés par une fraîche brise tout en pensant à la phrase d’un grand poète turc qui disait : « celui qui n’aime pas Istanbul ne connaît pas l’amour ».

Istanbul continue à narguer l’histoire du haut de ses collines et nous envoûte à notre tour par son charme insaisissable et discret.

 

Rached Trimèche

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