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LA GUADELOUPE

CE BEAU PETIT PAYS SI LOINTAIN

 

Par Rached Trimèche

 

 

 

POINTE- Á- PITRE. (Août 82).Au cœur d’un papillon aux ailes déployées aux « Dom Tom », entre la case à Peter et la « Rivière Salée », un « Métro » rencontre un « Béké » qui parle créole avec un accent guadeloupéen.

            Ce n’est point une charade ni un charabia ! Le papillon aux ailes déployées est la forme de la double île de la Guadeloupe, îles séparées par un bras de mer appelé Rivière salée. Peter l’Hollandais est le premier homme blanc à s’installer sur la pointe de l’île GRANDE TERRE, de la Guadeloupe. La case de Peter que l’on voit de loin, la « Pointe de Pierre » deviendra POINTE-A-PITRE capitale de la Guadeloupe.

 

           

La Guadeloupe, ce Dom, Département-d’Outre-Mer est beaucoup plus France qu’un Tom ou Territoire-d’Outre-Mer comme Tahiti par exemple. Ceux qui viennent de la France, de la Métropole, les « Métros » rencontrent ici des blancs « Békés » nés en Guadeloupe, département français d’Outre Mer. Ces Békés parlent le Créole, langue indigène antillaise aussi bien que les noirs ou les métis de l’île. Nous voici aux Antilles Françaises, avec le premier séjour d’une semaine en Guadeloupe, avant de terminer notre long périple de 28 000 kilomètres par la Martinique voisine.

 

            Une tenace et fine pluie oblige ce policier blanc, aux blondes moustaches, au short blanc et chaussettes blanches à s’abriter sous le porche blanc de l’Aéroport de Pointe-A-Pitre, face aux badauds noirs et aux grands taxis Mercedes conduits par des noirs. J’ai l’impression d’atterrir dans un gigantesque jardin tropical, à l’air doux et au ciel clair. Mon chauffeur de taxi noir au petit nez, me parle de la peine qu’il a pour boucler son mois avec un revenu de 4 500 FF (400 dinars). Il trouve que le Président Mitterrand rend la France difficile à vivre. Il parle de la France comme de SA France…c’est qu’à 8 000 kilomètres de Paris, nous sommes ici également en France avec le même passeport bleu ! Il faut l’admettre une fois pour toutes !

 

            C’est au Novotel Gosier que je fais ma première escale. A ma grande déception je suis entouré ici de dizaines de jeunes mamans avec des enfants de 3 à 5 ans, qui rendent cet hôtel un véritable jardin d’enfants. En pensant à ces métropolitains qui ont dû faire quatre années d’économies pour se payer le voyage en Guadeloupe avec toute leur marmaille et le précieux appareil photo au cou (preuve du séjour) je suis mal à l’aise… surtout que tous ces jeunes enfants ont l’âge de mes propres enfants ... si loin d’ici. Je suis mal dans ma peau.

 

            Le soir même, je quitte cet hôtel pour la « Caravelle » Club Méditerranée. Ce que l’homme peut être étrange. Un curieux animal… il y a dix ans à peine, au village de KUTA à l’île de Bali en Indonésie, j’habitais une mansarde en bord de plage à 1 dollar US la nuit. Je ne pensais ni au confort, ni aux gens, ni à rien ! C’est le bonheur aveugle et enivrant d’une jeunesse si vite passée mais point oubliée… La vie !

 

LES PETITES ANTILLES

 

            Avec la Guadeloupe nous commençons à pénétrer les Petites Antilles, îles de la mer des Caraïbes à l’Ouest de l’Océan Atlantique, au Sud de la Californie et au Nord du Vénézuéla. Toutes ces îles des petites Antilles ont une population qui varie de 1 000 à 350 000 personnes et sont souvent aussi petites que l’île de Djerba la tunisienne ou qu’un terrain de jogging matinal. Nous laisserons les îles Tobago, Antigua, Eustache, Barbade, Bahamas et Trinité pour un autre périple, pour ne visiter cette fois que deux DOM, la Martinique département 972 et la Guadeloupe 971. Le département voisin 973 Cayenne sera pour un autre Périple…

 

            En 1493, c’est toujours et encore le géniteur antillais, Christophe Colomb qui découvre la Guadeloupe. En 1635, la Guadeloupe devient colonie Française pour devenir enfin en 1946, un véritable département français 971. Un Dom.  

 

            Cinq fois moins vaste que la Corse et sept fois plus grande que Malte, la Guadeloupe étend ses 1 700 km² sur deux îles accolées. La BASSE TERRE avec de hautes montagnes et la HAUTE TERRE plat pays de canne à sucre sont les deux parties de La Guadeloupe. La dénomination n’a pas été faite selon les reliefs montagneux,  mais selon les reliefs marins…

Les 335 000 habitants de ce département pays ont Point A Pitre pour capitale commerciale avec la moitié de la population globale et Basse Terre pour capitale administrative, ville nichée au pied du volcan la Soufrière que l’on visitera plus tard.

 

            Autour de cette île en forme de papillon aux ailes déployées, d’autres minuscules petites îles ou îlots attendent le créole visiteur, l’intrépide et curieux touriste : l’île Marie Galante, la Désirade, les Saintes, St. Barthélemy et enfin Marigot qui partage l’île St Martin avec les Hollandais en port franc ! Toutes plus belles les unes que les autres ces îles ont vu plus qu’un Français quitter la Métropole pour telle ou telle raison et venir « crécher » dans ces lieux de rêve, avant de s’apercevoir -s’il ne l’a pas déjà fait au départ- qu’aux DOM on peut faire beaucoup d’argent… en peu de temps ! C’est la nouvelle colonisation. Nous y reviendrons !

 

MATINEE TROPICALE

 

            Il est six heures du matin. Au club Med, c’est le silence le plus complet. Trente minutes de jogging au bord de cette plage déserte, une baignade et me voilà tout frais pour aborder une longue journée antillaise.

Le petit jour sur cette plage est un spectacle que je n’oublierai jamais. Imaginez une petite baie privée avec une plage de sable blanc et fin sur une profondeur de 50 mètres, cernée de palmiers, de cocotiers et de bananiers. Cette eau cristalline vert bleue, cette végétation luxuriante, ce sable si propre et si fin donnent à cette baie une allure paradisiaque de BORA BORA la tahitienne ! Cette plage d’hôtel, une des rares très belles plages du monde fait oublier la marche du temps et la course de la vie ! Plus tard je comprendrai un peu la paresse des touristes qui ne quittent point cette plage. Un peu plus loin, au bout de la critique, loin des baigneurs, des voiliers et des planches à voile multicolores, s’étend une autre plage. Cette petite plage abritée sous une bananeraie est un camp de nudisme… mon atavisme me fait songer au charme secret du « sefsari » voile en soie, qui laisse DEVINER une forme de corps ou le galbe d’une jambe ! C’est un autre chapitre !

 

            Mais il est déjà 10 heures du matin, et mon programme de la découverte de l’île est fort chargé. Docteur Pierre Anselm président du Club KIWANIS de Point A Pitre m’attend à la porte du club, avec un large sourire de bienvenue… Sur un simple coup de téléphone Pierre a abandonné son cabinet deux jours durant, pour faire visiter son pays à l’hôte étranger. Antillais de naissance, légèrement métis ou mulâtre, aux traits fins, à l’allure sportive, à l’épouse métropolitaine, il a su me faire aimer ce beau petit pays si lointain, la Guadeloupe !

 

FLORE TROPICALE

 

            Ce midi, nous déjeunons dans un petit restaurant antillais, à la sortie de Gosier. Les serveurs sont loin d’être zélés et empressés pour nous servir ! L’Antillais hélas, refuse aujourd’hui de « servir » et de jouer le jeu du tourisme national. C’est aux prospectus que s’arrêtent les larges sourires de bienvenue aux touristes. Si les Guadeloupéens étaient un peu plus coopératifs, le tourisme décuplerait !

 

            Un « planteur » punch fruité, boisson locale obtenue par la fermentation de la canne à sucre est proposé d’office par Pierre. Un délice ! Un boudin antillais, un crabe farci et un « vivano » ou mérou grillé sont le menu de ce délicieux premier déjeuner guadeloupéen. Des mangues, des ananas et des papayes sont un dessert bien exotique et fort délicieux !

 

            Au coin du restaurant, dans une petite cage métallique se cache un petit renard. C’est un peu le « Kiwi néo-zélandais » de la Guadeloupe, le symbole national. Ce renard RACOON, raton laveur, est un animal « fructivore » et insectivore (fine bouche). Il vit dans les eaux des rivières et des marais.

 

En allant vers Basse Terre, nous commençons un voyage dans un véritable parc national un grandiose jardin, une envoûtante forêt tropicale.

 

Le flamboyant, cet arbre que nous avons déjà découvert à Haïti, se retrouve ici à chaque coin de rue, avec des centaines de grandes fleurs rouges, qui en font un énorme rouge bouquet flamboyant. La plus belle des rues de Basse Terre est cette rue qui borde une falaise et qui passe entre deux énormes haies de flamboyants. On retrouve, le romantisme de Musset, d’Hugo et de Lamartine, jusqu’à vouloir dire et paraphraser « Oh ! Temps suspend ton vol… ».

 

L’ivresse continue devant ces gigantesques rouges hibiscus, bougainvilliers ou « Ti Doudou », ces jaunes « Alamanda » et ces blancs crotons. Bercé par leurs parfums divers, leur beauté divine et ce paysage en bord de mer, je m’accroche de plus en plus à cette Guadeloupe amie. Guadeloupe qui voit aujourd’hui ses indépendantistes réclamer à coups de bombes, l’indépendance de l’île française. La flamboyante Guadeloupe risque de flamber.      

 

 

 BONJOUR GUADELOUPE

 

            Les Arawaks descendants des Incas péruviens arrivent vers l’an 500 en pirogues à la Guadeloupe et chassent les Guetares premiers habitants de l’île. Vers l’an 1 000 arrivent cette fois les redoutables hommes Caraïbes qui détruisent les Arawaks. Les Indiens Caraïbes nomment la Guadeloupe Karu Ker « l’Ile aux Belles eaux » ! Plus tard notre ami Christophe Colomb en hommage à Notre-Dame-de Guadelupe appela en 1493 cette île Guadeloupe. Les Espagnols bien arabisés, en souvenir de Séville appelèrent cette île, Guad-El-Upe de Oued El Hob « Rivière de l’Amour ».

            Amour, beauté sont les termes toujours évoqués pour parler de la Guadeloupe, où un simple bonjour à un passant en fait un ami courtois.

 

BASSE TERRE

 

            Ce matin, en bus je parcours les 30 kilomètres de piste route qui me séparent de PTP (Pointe-à-Pitre) où l’on m’attend pour aller ensuite à Basse Terre visiter le volcan de la Soufrière, chéri par Haroun Tarzief le célèbre vulcanologue. Dans ce petit bus ou vieux taxi collectif, poussé par tous les passagers, sur une étroite banquette en bois, je suis heureux et j’ai de nouveau la larme à l’œil ! A chaque nid de poule, je retrouve ma « valse des bus » que j’ai oubliée, les dizaines d’heures passées dans un bus en descendant la Cordillère des Andes chiliennes, en montant l’Amazonie brésilienne, en traversant le désert australien d’Alice Springs, en montant les villes indonésiennes de Java et Sumatra ou en longeant le Mékong du Viêt-nam et du Laos…des bus, des bus, couché en chien de fusil, ou assis collé à une vitre de fenêtre branlante. Assoiffé d’aventure, grand A…

 

Basse Terr cette petite ville méridionale, siège administratif de la Guadeloupe, est aussi le fief des contestataires. Nous sommes à 12 km du volcan la Soufrière dégagé de tout nuage aujourd’hui ! Faute de temps on n’ira pas le visiter de plus près. Ici, dans cette région la géologie rappelle un peu celle de l’Islande lointaine. Une fissure de la couche terrestre, due à la dérive des continents, laisse ce volcan de 1484 mètres d’altitude en activité, avec une dernière importante irruption en 1918 avec plus de 20 000 morts. Au village voisin les pierres sont noires comme au Nord de Reykjavik à Keflavik. Plus loin toute une zone de terre laisse échapper des fumerolles, fumées, de vapeur d’eau chaude, que l’on essaye ici de domestiquer en énergie. En Islande froid pays, il était plus simple et pratique de se servir directement de cette eau chaude pour chauffer les maisons.

 

Ce soir, un dentiste, un avocat et une artiste « métro », sont autour de notre table pour parler avec passion de la Guadeloupe : Marie, la Française blanche qui vit ici depuis 12 ans : « Le climat est débilitant par ses constants 25 degrés de moyenne et par son humidité. Cela donne des gens sans tonus, chimériques et qui dépérissent bien vite ». Marie continue toujours et encore à vivre à Pointe-à-Pitre.

 

Eux : « le Guadeloupéen est divisé entre deux cultures, la blanche et la nègre ! Il vit au jour le jour, au dessus de ses moyens. Nous sommes en France d’accord, mais pas comme les Français métropolitains. Les crédits accordés par les grandes surfaces ne font que plier le créole à de nouvelles servitudes, lui qui ne sait établir pas un budget mensuel… L’Antillais fera tout pour s’acheter une belle voiture avec tous les gadgets possibles, au prix fort et n’aura pas de quoi acheter un cartable neuf à son fils » !

« Oui, les carcasses de voitures sont sur toutes les routes de Guadeloupe. On n’a pas de ferraille ici, et pas de sidérurgie dans cette île de 335 000 habitants. On ne peut pas plier ces voitures et les expédier à 8 000 km à Paris ! Ainsi, celui qui a une voiture qui meurt, faute de pièce de rechange, ou par usure, l’abandonne à l’endroit même où elle a lâché… Nous ne sommes pas en métropole ».

   

« La Guadeloupe est pauvre. Une faible production de 110 000 tonnes de canne à sucre, 150 000 tonnes de bananes et du rhum. Mais de la canne à sucre plantée et récoltée par les Antillais payés au SMIG français voilà qui n’est pas une bonne affaire, ni une concurrence aux voisins ! Ici, toute marchandise coûte 18 % plus cher qu’en métropole (droit de mer) et seuls les fonctionnaires, blancs ou noirs ont 40 % de salaire de plus qu’en métropole ».

 

POINTE-Á-PITRE

 

            Devant la « Marina » ou port de plaisance de PTP, qui a accueilli l’arrivée de la Route du Rhum (frégate) en 1978, un joyeux « Kaoufe ». Comment vas-tu ? Me fait tourner la tête… C’est « Jo » un juif tunisien que j’ai connu hier à l’hôtel, habillé d’un bleu « boubou » chemise au col ras et larges manches qui attend ses amis en mer. Jo (de surnom) à 36 ans a déjà passé dix fois, trois mois en Guadeloupe pour vendre de porte en porte « n’importe quoi » sur catalogue, au créole qui achète et qui paye. Qui paye si bien, que Jo va vivre les autres mois de l’année au XVIème arrondissement de Paris en belle Jaguar métallisée. La Guadeloupe est encore le pays des affaires.

 

            Quel scandale que de voir, tout comme en Martinique du reste, toutes les plages réservées à certaines femmes blanches…Ces femmes viennent de France (de métropole pardon) passer ici deux années … pour se faire une fortune ! Sur les plages antillaises la métro vendra aux touristes des boubous, des colliers et des souvenirs antillais de sa propre fabrication, dix fois le prix de revient ! Le mari de la Métro, louera un tel ou tel service. Le soir ils travailleront dans un restaurant ou hôtel et les week-ends ils vendront des poissons des Caraïbes. Rapidement fortune se fait au nez de l’Antillais créole, qui n’aime pas ces blancs assoiffés ! Pointe-À-Pitre, cette ville capitale parait ce matin par endroits comme un Barbès parisien et par ailleurs dans les nouveaux quartiers où les cases en bois furent rasées, je retrouve la petite ville du Léman, Thonon-les-Bains ! De la rue Thiers à la rue Grégoire en passant par la rue Schoelcher apparaît souvent une maison de style colonial avec balcon en fer forgé et bois sculpté. La vieille rue Bébian voit sur certaines de ses devantures commerciales les noms libanais comme Nassief ou Mansour.

 

            Là, sur tout un mur de maison est peint un drapeau. Un fond rouge avec une étoile jaune à 5 branches à gauche, le tout bordé de deux franges vertes. C’est le drapeau des séparatistes ou indépendantistes qui réclament l’indépendance de la Guadeloupe et le départ des Français de métropole. Comme la Corse, ils demandent une rapide autonomie suivie d’une indépendance.

 

LES INDEPENDANTISTES

 

Le sol de notre restaurant de ce soir est en verre épais et éclairé. De forts projecteurs internes poursuivent la valse des poissons qui sont sous le sol de notre restaurant. On mange assis sur un géant aquarium, qui rappelle les barques à fond de verre. Dans ce restaurant huppé tenu une métro, on mange A.G. avec garantie !

 

Sur la terrasse extérieure, notre table est bercée par le bruit des vagues qui viennent s’écraser gentiment sur le mur falaise du restaurant… la joie de vivre ! Nous allons prendre le pousse-café chez une amie. Dans une vaste maison de bois, Francine, cultive et soigne son jardin de 2 000 m². Nous sommes tous émerveillés par ces fougères de 5 mètres de haut, ces beaux frangipaniers et ces splendides flamboyants… un tout petit flamboyant de 15 cm de haut, fera le voyage à Tunis, la racine dans une touffe de coton humide… il poussera j’espère !

 

Loin de mes amis, au fond du jardin, je m’évade et pense d’abord à ce quartier que l’on vient de traverser pour arriver ici de nuit. Une dizaine de jeunes gens en jeans délavés et grosses motos attendent l’éventuel acheteur de drogue… Je repense à ces indépendantistes. En Guadeloupe, lors des dernières présidentielles françaises 70 % des gens ont voté Giscard ! Aujourd’hui, 30 % sont PC, 20 % PS, 40 % RPR/URD et 10 % indépendantistes… ! Ces derniers pensent avant tout à leur honneur « soyons indépendants d’abord, le reste viendra par la suite » ! Aucun programme, aucune profonde analyse.

 

A Paris, ces dernières semaines d’été, un projet de loi vient d’être adopté. Projet de loi portant sur la décentralisation dans les départements d’Outre-Mer DOM, en mettant en place en 1983 une Assemblée unique, qui cumulera les pouvoirs du Conseil régional et municipal. Ceci à la demande des séparatistes de Guadeloupe. Cette Assemblée aux pouvoirs étendus gérera aussi les fonds sur place. Une véritable délégation de pouvoirs !

 

Mais voilà qu’en Guadeloupe, les gros investisseurs békés ou créoles Antillais ont peur et commencent à diriger leurs capitaux vers Miami ou Montréal ! En effet, que va rapporter une indépendance à la Guadeloupe (ou à la Martinique) ? Autant le dire franchement, rien ! Aujourd’hui les Antillais vivent surtout de la sécurité sociale et des avantages sociaux français. Dans cette société matriarcale, où une femme peut avoir 5 ou 10 enfants de 5 ou 10 pères différents, sans mariage aucun (pourquoi donc ?) elle n’a qu’à se présenter à la sécurité sociale et recevoir 5 ou 10 allocations familiales, sur une simple déclaration sur l’honneur… ! Telle est la situation.

 

C’est vrai aussi que l’Antillais se révolte, en devenant indépendantiste ou en s’africanisant. L’Antillais qui a passé sa vie à singer son maître blanc, le voilà à la recherche d’une identité bien à lui, en train de s’africaniser en musique et en tenue vestimentaire, pour retrouver ses origines de fils d’esclaves libérés ensuite par Schoelcher dont on reparlera en Martinique. L’Antillais veut avoir son pays à lui ! Mais comment faire ? Le Préfet de la Guadeloupe devenu Commissaire de la République M. Miguet voit tout cela d’un bon œil et ne s’affole point.

 

En effet, le problème est à l’envers ! Et si la France décidait un jour de partir d’ici, de « larguer » les DOM (Département d’Outre Mer), La Guadeloupe et la Martinique ? Si la grande compagnie Air France (qui couvre tout le réseau antillais) si le commerce français d’exportation à partir d’ici et si la stratégie maritime de la France aux Caraïbes ne sont plus des facteurs positifs ? Si ces trois points ne font plus pencher la balance du côté de la France, la France partira ! Elle partira par un simple référendum, comme pour l’Algérie, alors qu’une consultation aux DOM donnerait 80 % de oui, pour que la « généreuse-bienfaitrice-France » maintienne les Antilles dans cette… béatitude ! Combien de temps encore ?

 

Les indépendantistes bougent, font la guerre et tuent. M. Marin le directeur d’une sucrerie vient d’être tué à l’explosif. On parle encore de bombette et pas de bombes ! On parle de cette Assemblée unique et pas d’indépendance !... L’Amérique surveille de loin.

 

ADIEU GUADELOUPE

           

            En cette dernière journée guadeloupéenne, je retrouve mon ami Kiwanien Pierre. En montant vers le fort Fleur d’Epée, nous passons devant une maison rurale toutes portes ouvertes…Deux jeunes filles au teint basané sont couchées à plat ventre à même le sol, devant leur téléviseur couleur, pour suivre la course cycliste qui mobilise le pays, KUA GAGNE ? Qui a gagné ? Leur lance Pierre… Il fait chaud, le téléviseur est en sourdine et la vie passe… ces demoiselles sont heureuses de vivre !

 

            Nous continuons notre montée vers le Fort. Du haut de ce fort la baie de Pointe-à-Pitre paraît splendide. C’est l’heure de la sieste, tout semble mort ou endormi. Du fond de la terrasse du fort voilà que surgit une irréelle musique d’un romantisme de Chopin, Berlioz ou Schubert, mais avec une trompette. Un noir trapu de 50 ans, en belle chemise blanche, debout devant un trépied, lisant une partition, fier et altier, il joue de la trompette loin de tous, de tout et de la ville… perdu dans sa musique !

 

            Ce fort, cette végétation, ces fleurs, cette trompette d’artiste solitaire, cette douce chaleur de 14 heures, ce silence, cette musique diffuse, c’est un rêve ! Le rêve de la vie ! Le rêve de La Guadeloupe amoureuse et romantique, sous l’éclat de ses rouges Flamboyants…Adieu Guadeloupe !

Rached Trimèche

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