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LES FRASQUES DE ZI

 EN ALGARVE

 

                                                          

 

 

Rached Trimèche

www.cigv.com

                                                          

 

Lisbonne. (Juillet 1994). En deux heures et demie d’avion, le petit Zi de huit ans est parachuté du coeur de la Méditerranée aux côtes les plus occidentales d’Europe,sur l’Atlantique,à “Terra Portocallis”, au Portugal .

Zi est à la recherche des Romains, Phéniciens, Carthaginois et Wisigoths qui l’ont précédé, il y a près de 2000 ans, pour fonder cette terre de la péninsule ibérique, le Portugal.

 

De Cascais à Quinta do Lago, sur la côte d’Algarve (ou El-Gharb, Occident en arabe), en passant par le riche couvent des Templiers de Tumar, la sélecte ville de Sintra,  le paradisiaque Castelo de Bode et la balnéaire Vilamoura,  où le temps a suspendu son vol, le 11ème pays de Zi promet d’être riche en mille et une découvertes.

Guidé par la très amicale Anna-Maria et perché sur une verte 4 x 4 anglaise, Zi filiforme, rusé et bavard, quitte “Cabo Da Roca”, ce point le plus occidental de l’Europe, sans toutefois l’avoir admiré. Un orage sans pareil et un voile de brume ont bien masqué toute la côte atlantique.

 Il serpente à présent ces ruelles de Tumar, pavées et montantes, bordées de conifères, lauriers et acacias. Nous longeons la rivière “Nabao” avec ses ravissants jardins mouchetés de ponts romantiques et ses roues à aubes d’antan. De partout les roses et les fuchsias embaument la ville de Tumar, tout en nous rappelant l’annuelle fête des “Tabuleiros”. Un véritable carnaval.

 

 La route se fait sinueuse, l’air très frais et la végétation plus dense pour atterrir soudain dans une vaste clairière, face à un château d’un autre nom, d’un autre temps.

 

TUMAR

 M. Alvaro José BARBOSA, directeur du “Covento de Cristo”, nous attend, arborant un large sourire de bienvenue. Erudit, fin disert et intelligent, notre guide fait de chaque pierre et de chaque carreau d’Azulejos une âme présente, palpable et divine. Voilà que Zi interrompt brusquement le discours académique, en français châtié, de notre conservateur, pour lui poser la question suivante :

 

- Vous dîtes que Jésus est mort et qu’il est enterré et vous dîtes en même temps qu’il s’est envolé au ciel ?

 

- Toi, petit enfant, tu es le fils de ta mère et de ton père certes, mais aussi le fils de Dieu. Il y a en nous ce corps que tu vois et qui peut s’éteindre et aller sous terre. Mais il y a aussi cette âme que tu devines et ces anges qui te gardent. Cette âme de Jésus s’est envolée et ses amis, les Apôtres, ont assisté à cet envol.

Dans ce château des Templiers, la porte de Santiago laisse défiler huit siècles d’histoire. Les premières murailles datent de 1160 sous le premier “Grand Maître de l’Ordre du Temple”. En 1320 le Temple devint “l’Ordre du Christ”, avec comme Grand Maître Henri le Navigateur.

 

LES WISIGOTHS

La visite des Templiers nous ouvre ainsi toute une page d’histoire qui commence par le fait de vouloir chasser du Portugal l’islam qui avançait et le remplacer petit à petit par le christianisme.

Les Ibères ou Lusitaniens occupèrent au premier siècle de notre ère l’actuel Portugal. Les Phéniciens arrivent juste après au Portugal pour faire du commerce. Les Grecs et les Carthaginois suivent pour la même raison. Au IIe siècle arrivent enfin les Romains qui tracèrent les premiers les frontières du Portugal en respectant les Comtés et en suivant le tracé qui joint les trois principales villes de l’époque, soit Beja (Pax Iulia, Lisboa et Braga).

 Les Romains introduirent également l’irrigation et un nouveau style de construction. Arrivent enfin les Wisigoths de Scandinavie attirés par la richesse et le commerce de ce pays prospère. L’un deux voulant s’implanter comme roi alla demander l’aide des lointains et vaillants Carthaginois. Cela se fît rapidement et les Carthaginois rentrèrent ensuite au Maghreb.

 Quelques années plus tard, les Wisigoths appellent une nouvelle fois les Carthaginois au secours. Nous sommes en 711 et la civilisation Arabe s’implantera pendant plus de cinq siècles en créant un royaume indépendant du Maghreb et lié plus tard à l’Andalousie.

Ce n’est qu’au Xe siècle que la ville de Porto, dont le légendaire vin pousse non pas à Porto mais à Villa Nova De Gaia, (de l’autre côté du fleuve Douro) qui enfante le nom de ce pays. D’ailleurs c’est le passage entre ces rives du fleuve qui engendre le “Portus Calem” qui mua en Portucalem pour devenir enfin “Conda Do Portucalense” futur Portugal.

En 1094, Henri de Bourgogne fonde un premier Comté sur ces terres, et sera suivi par toute une lignée de souverains jusqu’en 1383 où Béatrice épouse du roi Jean Premier devient reine de Castille.

Les grandes cours royales d’Europe se brassent dans ce pays. La maison d’Autriche, de Bragance et de Saxe-Cobourg-Gotha sont les plus importantes de l’époque. Le drapeau du pays portait cinq châteaux signifiant la présence portugaise dans les cinq continents.

La réconciliation en 1920 des deux dernières maisons se termine 12 ans plus tard par l’héritage de la couronne à notre actuel ami Cigéviste Don Duarte Nuno, Duc de Bragance.

C’était l’époque où le titre royal d’un catholique seigneur était le suivant:”Sa majesté très fidèle, roi du Portugal et des Algarves en deçà et au delà des mers, en Afrique, Seigneur de Guinée, de la conquête, de la navigation et du commerce, de l’Ehiopie, de l’Arabie, de la Perse et des Indes.

Zi, éperdu de joie par ces titres et couronnes rutilantes cherche à savoir la route des Grands Voyageurs du Portugal qui ont donné tant de titres à ce roi, et l’histoire d’Algarve qui est liée à sa propre terre de Carthage.

Il est vrai que tout comme l’Angleterre et la France, le Portugal était un pays à vastes colonies.

Aujourd’hui c’est une pause histoire avec une réception à Cascais. Le tout Lisbonne est invité chez notre amie Anna-Maria, les belles toilettes rivalisent avec la délicatesse des parfums. Les agapes vont des grands et rouges saumons, recouverts d’une crème suave, aux toasts de caviar en passant par les viandes les plus recherchées, sans parler des vins à crus millésimés. De temps à autre ,une voix de soprano glisse de son laser ou compact disque(CD) pour nous enivrer un peu plus. Des balcons, la vue sur Cascais est imprenable et un petit vent pousse ces dames, en cette fin de juillet, à porter une petite laine.

David, notre hôte Cigéviste brésilien nous présente, à trois heures du matin, l’album de sa maison de Rio de Janeiro que sa fille est aller chercher deux étages plus haut. Rio la Belle sera le pousse-café de cette si conviviale soirée portugaise. Allons chez Morphée. Demain, nous reprendrons le fil de l’histoire du pays.

 

MACAO EN 1999

Le royaume du Portugal dépassait de loin les portugaises îles des Açores et de Madère au coeur de l’Atlantique pour aller en Afrique (Angola, Mozambique, Guinée Bissau,Sao Tomé et Principe et le pays du majordome, senor Georges qui nous attend à Cascais et à Castelo de Bode,  le Cap Vert).

En Amérique, c’est la toute simple découverte  en 1500 par Pedro CABRAL d’un pays plus vaste que l’Europe: le Brésil. Et enfin en Asie, avec cet îlot de Timor coincé entre l’Indonésie et l’Australie et puis la dernière enclave portugaise Macao qui sera restituée en 1999 à la Chine, 2 ans après la restitution de l’anglaise Hong Kong à la même Chine.

Zi, futur candidat au CIGV s’interroge sur la génèse des Grands Voyageurs d’antan partis de ces terres portugaises.

“Eureka, elle tourne ! ”  disait l’astronome polonais Copernic au XVe siècle.  Encore fallait-il le savoir, puisque l’on pensait que la route des Indes allait simplement vers l’Ouest juste en face du Portugal.

L’Infante, Henri le Navigateur, fils de Jean I, avec l’appui des riches Templiers du XVe siècle unis dans “l’Ordre de la Croix”, savait, lui, que l’Inde n’était pas en face du Portugal et que la conquête du monde commencerait en mettant cap sur l’Afrique pour la contourner par le Cap de Bonne-Espérance,  à l’instar de  Bartolomeu Dìas.

C’est ainsi qu’en 1500, Vasco de Gama ouvre la porte de la soie en débarquant aux Indes. Le roi Jean II avait déjà l’intime conviction que la terre était ronde et refusa à Christophe Colomb, qui lui promettait épices et soieries, s’il l’aidait à prendre la mer sous le drapeau portugais, vers l’Est.

Certains historiens pensent, tout haut aujourd’hui, que cette astuce royale faisait de Colomb un espion en Espagne, chez Isabelle la catholique  qui ignorera ainsi la route de l’Est, celle des épices et de la soie.

Néanmoins, les cinq caravelles espagnoles de Colomb découvrirent en 1494 la terre d’Amérique (au large de Cuba) qui n’épousa curieusement pas son nom mais celui d’Amerigo Vespucci.

Emanuel Premier succéda à Jean II et adopta sa philosophie voyageuse en encourageant le Sieur Magellan à contourner le détroit sud américain de Terre de Feu, à qui il donna son nom. Ce même roi Emanuel Premier est en outre le père du style émanuelien, style décoratif enrichi par des motifs voyageurs venant des pays découverts, telle que cette fenêtre de Tumar que nous présente José Barbosa notre guide et néanmoins conservateur de ces lieux.

 

CASTELO DE BODE

 

6 h de baignade, 2 h de tennis, 1 h de ping pong et 1 h de foot, voilà de quoi épuiser Zi le filiforme lors de sa première journée à Castelo De Bode.

 

Ici, le temps ne semble pas suspendre son vol. Il l’a déjà suspendu. Le bruit du silence se meurt dans ce lointain horizon où le ciel azur épouse les vertes collines qui cernent ce mirifique lac bleu de Castelo de Bode à 150 kilomètres au nord de Lisbonne la capitale.

 

Jusqu’à 22 h 30, la lumière baigne ces lieux de quiétude, de repos, de beauté et de mysticisme. C’était, certes, la construction d’un barrage qui a créé ce lac de 102 m de profondeur et 60 km de long.

Seuls la Nouvelle Zélande, l’Australie et certains paysages suisses et norvégiens rappellent cette divine beauté de Castelo de Bode.

Le soixantenaire majordome senior Georges, aux cheveux grisonnants et aux lunettes d’écailles, porte avec élégance son papillon vert sur une chemise de soie verte. Il a quitté cette ancienne colonie portugaise, le Cap Vert, pour venir servir, en ami fidèle et dévoué, avec trois jeunes dames, “Mae de Agua”, cette résidence de notre amie cigéviste. Dans cette vaste demeure la décoration porte toutes ses lettres de noblesse. Chaque pli de rideau, chaque tableau et chaque objet d’art est d’une beauté rare. Leur multitude est un enivrement de lucre,  de luxe et de raffinement.

 

TUNES ET BEJA

 

L’orange n’est-il pas ce fruit qui  quitta le Portugal vers le Maghreb où il pris le nom de “portukala” jusqu’à ce jour.

 Mais c’est dans l’autre sens Méditerranée Atlantique que le vocabulaire à voyagé. Dans cette terre d’Algarve les plaques de signalisations et certains mots courants traduisent une fois de plus le passage de la civilisation arabe, tout comme en Espagne, qui compte aujourd’hui dans sa langue espagnole près de 2 000 mots arabes.

Ici, au Portugal “zitoune” sera l’olive, “zeit” sera l’huile, el “kantara” le pont,”El ksar” le palais,etc...

Quant aux villes elles ont souvent un passé arabe. Qu’elle ne fut la surprise de Zi de découvrir au nord de l’Algarve, un petit village de 1 240 habitants: ici, les maisons sont basses, bleues et blanches avec des portes cochères dont la poignée a encore la forme d’une main de Fatma. Les azulejos de la fontaine publique ont tous le motif de l’ancienne médina de Tunis. Oui, nous sommes bien dans un village appelé “Tunes” et où l’unique pharmacienne du quartier, une jeune petite brune d’un mètre soixante aux cheveux coupés courts déclare sans ambages, confirmé par le barman du coin, qu’ils ont toujours su que le village de Tunes a pour origine Tunis, la capitale de la Tunisie. C’était déjà au VIIIe siècle à l’heure des Carthaginois.

D’ailleurs cet azulejo ne vient-il pas de Tunis au fait?

Aujourd’hui,  à Tunis, à l’angle du ministère de la culture, à la place de la Kasbah,  repose le corps du grand artiste “Abul Kacem Ezelizi” père de ces petits carrés de terre cuite émaillée, de couleur bleue, que l’on retrouve surtout à Nabeul en Tunisie, en Espagne et au Portugal. Mais les azulejos ont un complément d’histoire. Les Hollandais de Delft découvraient en même temps les bleus céladons (porcelaine) de Chine et ces carreaux de faïence émaillée bleu azur.

C’est finalement cette faïence tunisienne de Abul Kacem Ezelizi, enrichie par l’art de Delft et la technique portugaise qui donne aujourd’hui ces splendeurs sans pareil, les azulejos.

Je me souviens de mon dernier passage aux Açores où j’ai trouvé ces petites céramiques jaunes de dix centimètres de côté avec un dessin dit “Afsit Essid” ou “patte de lion”, qui orne un peu toute la Tunisie! Le brassage de l’art et de la culture est évident.

2 heures de voiture plus tard en fonçant toujours sur Lisbonne et en bifurquant à l’Est nous voici à Beja dont l’homonyme tunisienne fut le grenier de Rome.  La Beja portugaise a tout de sa soeur aînée, des grandes cultures aux vastes plaines en passant par une architecture méditerranéenne qui s’enrichie avec le temps et l’arrivée cinq siècles plus tard du catholicisme. Une hirondelle à la ville de “Carthage” qui existe aujourd’hui à près de 3 00 exemplaires dans le monde.

Une autre ville d’Algarve dite “El Bufeira” fera dire à Zi que c’est la ville du petit rat (far=rat). Mais l’origine du nom est plus prosaïque. L’emplacement de la ville côtière au creux d’une anse en fit une “El buheira” (ville lagune), c’est le h, à prononciation difficile qui a mué en f et des dizaines de noms de ville ont la même histoire. Pour terminer, évoquons Silves (chelb) ancienne capitale de l’Algarve puis du Portugal et même à un certain moment de toute l’Andalousie.

 Il est 23h15 notre petit cabriolet blanc légèrement essoufflé débarque ses 5 passagers au pied du Castel (château) de Silvès

.CAPITALE DU PORTUGAL

Ce village mirifique du bout du monde respire l’histoire par tous ses pores. Les pavés centenaires bordés de peupliers altiers nous invitent à une nouvelle page d’histoire

. La ville de Silves comptait 30 000 habitants. Silves tomba en 1189 par les croisés. C’est le début de l’effritement de l’empire Maure. La région de Faro, vers la frontière Espagnole résista soixante ans de plus au christianisme. Les nouveaux souverains se font déjà appeler “Rois du Portugal et des Algarves”.

 Les Chevaliers de France venant de Bourgogne ont participé à la libération de Silves. C’était la riche époque de l’Ordre de la Croix qui pris la relève et le nom des Templiers. il fallait garder secret ces bases de Templiers et leur richesse pour aller concquérir le monde.

Le 27 juillet, jour de Sainte Nathalie, est aujourd’hui fête de la bière et draine cette nuit des miliers de joyeux lurons à Silves. Cette grimpette vers le château nous rappelle la ville turque d’Izmir où le château de “Kadifekale” a presque autant d’ampleur.

Le maître de céans accueille avec plaisir ces journalistes venus de loin.

Il s’agit au préalable d’acheter à la guérite bleue de l’entrée le nombre de tickets souhaités qui seront plus tard échangés contre autant de fraîches et délicieuses chopes de bière. Des banquettes nous accueillent autour de rustiques tables publiques pour manger des beignets de poisson, des cuisses de poulet, des croquettes à la viande et bien sûr des pommes frites à gogo, sans oublier l’escalope cuite à la braise.

Les agapes terminées, nous prenons d’assaut les donjons de la tour. Une trentaine de marches nous mènent au parapet supérieur surplombant l’enceinte du château et le contournant. Des meurtrières laissent percevoir au fond d’une vallée perdue les lumières scintillantes de la capitale d’antan. Ce fleuve limitrophe se souvient-il des lointains Carthaginois, les ancêtres de Zi,  qui firent de Silves la première capitale du Portugal. Ce même fleuve prédestiné aux voyages connaîtra Henri le navigateur, sa frénésie voyageuse et sa dromomanie sans faille qui ouvrait la route par exemple, à Vasco de Gama, Pedro Cabral et Fernand de Magellan.

Il est 4h00 du matin et le petit Zi gringalet, agité et curieux comme un furet        refuse toujours de rentrer à Vilamoura et voudrait égrener encore et encore les maillons de l’histoire de Silves ou Chelb.

 

VILAMOURA

Quand la beauté, le luxe, le calme et les vacances se réunissent ils enfantent Vilamoura, sur la côte d’Algarve, au sud du Portugal.

Dès son entrée avec de roses colonnes de bienvenue et un large nom de blanc pavoisé, son casino rutilant, ses boutiques de style côte d’azur à sa marina dite monégasque en passant par ses innombrables terrasses nous invitant à un nouveau repos du Seigneur et à une simple dégustation des instants de la vie, Vilamoura est bien un Amour de ville.

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 Installé dans un superbe appartement Zi, notre jeune héros voyageur commence ses journées par une heure de piscine en essayant de la traverser sous l’eau dans ses 20 mètres de largeur.

 Il a décrété que tous les après midi il allait commencer par un Acqualand. La côte d’Algarve en compte cinq où six et il a fallu les visiter tous. “Atlantique Parc”,”Sleid and Splach”,”Acqualine” et “Acquashow” sont de véritables parcs. De gigantesques tuyauteries bleues ou rouges  vous happent et vous propulsent dans de vastes piscines, des toboggans de toute sorte vous enivrent et des piscines savantes et mouvantes vous attendent, le tout dans un cadre de rêve où gazon et hibiscus sont rois.

 

Dans ce dernier parc nous sont signalés deux “must”. Le premier est une piste de Grand Prix qui n’a qu’une concurrente en Europe, à Toulouse (France) et une prochaine à Séville (Espagne) pour 1995.

 Ici, Zi ne pourra prendre le volant de ces machines infernales, il se fera conduire par Skander ou Anis ses frères aînés qui doivent préalablement obtenir de l’administration une licence de conduite sur carte plastifiée avec photo. Le second must, est tout aussi unique en Europe,  il s’agit d’un mini “Universal Studio” (Hollywood) où le King-Kong de l’époque est remplacé par de géants dinosaures mobiles et sonores. Les producteurs du film “Jurassic Parc” ont vendu à une société autrichienne les droits de création de ces copies de dinosaures qui font recette et fortune.

La promenade de nuit sur les quais de la marina de Vilamoura se fait entre les étals de gadgets et les portraitistes à la Montparnasse. Des centaines de gigantesques crabes noirs se faufilent sur les rochers en pleine mer. Sur l’autre rive on est convié à fouiner dans une gigantesque librairie qui de la parisienne FNAC n’a pas de secret, sans parler de dizaines de restaurants aux cartes alléchantes.

Notre promenade se termine dans une suite royale au 9è étage du “Vilamoura-Marinotel” . C’est dans les cinq pièces de cette admirable suite aux sobres dorures et aux meubles rustiques qu’est attendu pour demain matin, Juan Carlos le Roi d’Espagne.

 Zi qui ne connaît de coq que le Gaulois aussi hexagonal que la France, se demande pourquoi diable, toutes ces poteries de coqs au Portugal et pose la question à notre jeune compagne Maria, aux cheveux coupés à la garçon et au jean délavé qui connaît des coqs tous les ergots. Maria nous raconte la légende suivante:

“Lors d’un dîner chez un riche propriétaire de Barcelos, une partie de l’argenterie fût volée et bien sûr l’un des invités fût accusé. La cour le jugea coupable et l’accusé, malgré toutes ces preuves clama son innocence. Magnanime le magistrat donna une dernière chance à l’accusé en lui disant: si le coq que vous portez là se met à chanter, c’est que vous êtes innocent. Le coq chanta et le prisonnier fût libéré”.

Voyageurs, à vos poches, achetez ce noir coq de Barcelos tout de rouge vêtu.

Durant les vacances de Zi, les histoires d’eau seront un éternel recommencement. Ce matin nous partirons sur un bateau de soixante places pour une croisière d’une journée. La côte portugaise sur l’Atlantique a de la Bretagne tous les rochers. L’histoire d’Algarve s’inscrit à chaque kilomètre de côte. Heureux comme un Pape, Zi risque d’être emporté par le vent à chaque tangage et roulis. C’est bientôt l’ensemble des passagers qui se charge de la sécurité de cet insolite oiseau qui ne cesse de sautiller de pont en pont et de cave à écoutille.

 

Le lendemain en se promenant en ville au gré des rues, on comprend pourquoi en Europe Occidentale l’ouvrier Portugais est souvent privilégié aux Turcs et aux Maghrébins par exemple. Il est vrai qu’au travail le Portugais est sérieux, méthodique et discipliné. Ce matin, à Vilamoura, regarder ces trois ouvriers travailler est un plaisir.

LE SERIEUX PORTUGAIS

 Imaginez sur la droite un trottoir à daller et sur la gauche de la même rue un trottoir à fleurir.

 Des pavés gris carrés de huit centimètres de coté sont enfoncés à l’aide d’un petit marteau sur du sable préalablement étalé sur le trottoir. Tous ces pavés sont nivelés d’une façon astucieuse. Une croix de bois d’un mètre relie une dizaine de petits carrés de bois uniformes, pareils à des ventouses. Il suffit de poser cette curieuse machine sur les pavés et de frapper au centre de la croix pour que le trottoir soit uniforme. Le second ouvrier saupoudrera le tout de ciment blanc et le tour est joué.

 Il s’agit de  fleurir l’autre trottoir. Le travail est différent. Un ouvrier nivelle,  un second plante des arbustes tous les cinq mètres et un troisième étalera de la bonne terre sur tout le trottoir. L’ouvrier de départ étalera cette fois du terreau, le second plantera du gazon, le troisième plantera les fleurs et le premier qui a déjà terminé commencera à arroser.

 Arroser est le maître mot de l’Algarve où le gazon “Coucouyou “ est arrosé jour et nuit et tondu tout les quatre jours.

Ce soir,  nous avons beaucoup de peine à imbriquer notre cabriolet entre une grise Porche Carrera et une rouge Ferrari Testarossa.

 Les Jaguar argentées, les rouges belles Mercedes classe C et les vertes BMW se suivent sans se ressembler dans ce parking du bout du monde. Il est minuit,  nous avons bien une heure de retard.

A l’entrée de ce temple insolite, la taille des Portugaises semble avoir subitement changée. Deux superbes blondes de un mètre quatre-vingt, au sourire ravageur et à la minijupe provocante nous reçoivent poliment en demandant toutefois la présentation de notre carton d’invitation.

 Nos aguichantes cerbères deviennent rapidement de ravissantes hôtesses en nous accompagnant, chargées de brochures et même d’une (dixit) cigarette chacun,  vers la grande salle à piano. Nous sommes à la soirée inaugurale du “T. Club”. La boite la plus célèbre du Portugal existant en cinq exemplaires déjà à travers le pays, où le jeune propriétaire à la chemise rouge invite les 200 participants à une “Notte de champagne” (nuit de champagne).

Le nombre de pantalons rouges de ces messieurs n’a d’égal que le nombre de larges décolletés (wunderbra) des robes noires de ces dames. C’est que le tout Lisbonne est là ce soir. De nuit, la capitale n’est qu’à 3h30 de route et le retour à l’aube se fera tout aussi vite.

Les ministres croisent les grands PDG, les acteurs et les illustres  propriétaires de journaux et même celui de la troisième chaîne de télévision venu goûter aux délices de cette nuit de champagne. Nous sommes à “Quinta Do Lago”et il ne nous reste plus en mémoire, vacillants dans ses douces vapeurs éthylique et éthérées, que le son du piano, les éclats de rire, les rutilances et le faste de ce lieu magique. Tout en faussant compagnie à l’acte II de la scène quand il s’agissait de passer de l’autre côté, à la véritable boite de nuit pour danser.

Adieu Gotha du Portugal, adieu nuit de champagne en pays d’Algarve.

 

VILALARA et VILAVITA

 Nous sommes au niveau de Lagoa sur la côte atlantique. A la sortie de Armaçao de Pera nous voici face à une gigantesque grille de fer forgé qui s’ouvre automatiquement par des ressorts hydrauliques pour laisser passer notre blanche petite voiture. Le lieu est mirifique.

 Imaginez une centaine de bungalows de style mauresque tous de blanc vêtus, le tout dans un jardin idyllique où les hibiscus se mêlent aux lauriers entourant cyprès et peupliers argentés et surtout d’insolites oliviers, avec bien sûr en fond de paysage le bleu de l’Atlantique. L’intérieur de cet hôtel “Vilavita” est un dédale de marbres, de céramiques, d’azulejos, de luxe et de silence.

 Cent mètres plus loin et en face, nos amis Levy sont hélas absents, il fait chaud et Genève est plus agréable. Ce vieil hôtel “Vilalara” de cinq étoiles est un autre monde où chaque fenêtre s’ouvre sur une vaste terrasse, une loge propice à une rêverie en solitaire ou à un dîner en tête à tête. Une alchimie entre la sobriété du décor et le raffinement du détail dans la sérénité et l’évasion. Une étrange sensation de ne croiser personne, sans avoir le sentiment d’être seul, autour de six cours de tennis, deux piscines d’eau de mer et une d’eau douce. Ici la majorité de clients est Suisse ou Anglaise et Portugaise. Ce beau monde vient faire sa cure de thalassothérapie. Les jardins suspendus, les arbres centenaires, le gazon sans fin et ces piscines en bord de falaise font des lieux un enchantement sans pareil.

 

ÉCONOMIE

48 ans de dictature sont effacés en avril 1974 par la Révolution des Oeillets. Aujourd’hui, un Gouvernement de centre-droit est présidé par le socialiste Mario Soares et dirigé par le Premier Ministre Anibal Cavaco Silva.

Ce n’est qu’en février 1989 qu’un virage à 180° est marqué dans l’économie du Portugal avec les privatisations. Dans cette euphorie M. Soares est réélu Président de la République avec 70% des voix.

Bien que dévalué, l’actuel escudo fait partie intégrante du système monétaire européen avec une parité de 155 escudos pour 1 US $.

Sur une superficie de 92.000 km2 soit le sixième de celle de la France vivent 11,2 millions heureux Portugais avec un P.N.B (Produit National Brut) par tête et par an de 7.900$(la moitié de l’Espagne). Dans un classement sur 225 pays le Portugal est toutefois classé 35ème, selon la richesse nationale.

Alors que la France, l’Angleterre et l’Allemagne subissent un taux de chômage de près de 11% et l’Espagne 22%, le Portugal n’affiche que 7%.

L’agriculture du Portugal reste archaïque, et seul le vin est prospère et pousse le pays au 7ème rang mondial avec 0,8 million de tonnes par an. La production minière est minime contrairement à une importante hydroélectricité avec le fleuve Douro.

Le Portugal est un des rares pays d’Europe à n’avoir qu’un seul pays voisin, l’Espagne. Ce pays tourné vers l’Océan se décompose en deux régions à partir de Lisbonne, la capitale. Au nord la vigne et au sud le chêne liège et les latifundias. Lisbonne, plus que jamais se veut cette année la capitale culturelle de l’Europe. Et à juste titre.

 Le lendemain, les souvenirs du soir nous remettent sur la route de “Quinta Do Lago” à la sortie de Almancil, après Vilamoura. Nous voici tout comme à Beverly Hills en Californie. Ici, comme à Castelo De Bode le temps à de nouveau suspendu son vol.

 

 

QUINTA DO LAGO

 

Nous sommes éjectés dans un domaine verdoyant de 10 km de long ou de superbes routes asphaltées, bordées de gigantesques chandeliers et palmiers nous font glisser comme un marsouin dans l’eau.

Au coin du Country Club nous sommes happés par le silence magique de cette bâtisse blanche et ombragée. Le patio andalou du restaurant “Casavelha” avec ses fontaines ronronnantes et azulejos antiques est un voyage au coeur de l’Andalousie. Cette courette à ciel ouvert bercée par un fond de musique classique, parcourue par un généreux et serpentant bougainvillée rouge est baignée d’amour et de quiétude.

Le sexagénaire personnage aux tempes grisonnantes et à la douce cravate Hermès plonge son regard dans les yeux verts de sa très jeune compagne moulée dans un fuseau de soie fleurie et à la blonde chevelure sauvageonne. La soupe portugaise aux fines herbes précède le poisson grillé et le melon glacé, le tout arrosé par un vin exotique.

 La surprise est à la sortie, c’est ce tableau sous verre que l’on n’avait pas vu. Imaginez en ce bout du monde, quatre rangées de huit étiquettes de Mouton-Rothschild. Quand on sait que le prix moyen d’une bouteille de ce vin est de 2000 F. Français et que ce restaurant “Casavelha” vous offre tout ce choix, on ne peut qu’approuver le nombre de fourchettes de ces lieux.

En bout de chemin et en contournant le Country Club nous prenons l’allée sacrée. La découverte de cette allée d’un kilomètre de long vaut largement un billet d’avion. Imaginez ces dizaines de luxuriantes demeures sans barrière aucune, où le gazon à perte de vue, coupé artistiquement est arrosé toutes les deux heures et où les piscines se disputent l’exclusivité des azulejos et des formes insolites. La première villa sera“Vista Do Lago”, la seconde “Karina”, la troisième “Azul”et une autre “Madrugada” et les  autres “Isaîda” et “O Lago”par exemple. Elles se suivent sans se ressembler sous leurs blanches murailles, leurs rouges toits, leurs fougueux bougainvillées, amoureux lauriers roses et blancs et poétiques hibiscus,tout en étant bordées de yucca-dracenas et thuyas.

Pas une âme qui vive, seules quelques petites lumières discrètes dévoilent une présence humaine. C’est à “Quinta do Lago” que se tient fidèlement le championnat européen de golf, “l’Open du Portugal”. l’Algarve offre en effet aux golfeurs du monde un choix splendide de parcours de haute qualité, jouables toute l’année, autour d’hôtels cinq étoiles, de villas et d’appartements de très haut standing à la disposition des golfeurs.

 Aujourd’hui, les Anglais, les Hollandais, les Canadiens, les Allemands et les Scandinaves sont les plus fidèles golfeurs du Portugal. N’oublions pas que “Quinta do Lago” est un domaine protégé de 680 hectares de pinèdes, prairies, lacs et marais hébergeant de surcroît des millions d’oiseaux migrateurs qui se dirigent vers le sud.

Sans crissement de pneu aucun, nous quittons cette allée bénite par Zeus et Jupiter réunis. Pour terminer cette ballade en bord de mer, nous voici attablés face à un loup grillé au fenouil accompagné de tendres pommes de terre en robe de chambre. Le vin vert et grisant et le coca de Zi toujours aussi pétillant.

Zi, tout comme à Castel De Bode répète sa question mystique.

- Dis Papa, c’est bien le paradis ici ?

- Oui, certes.

- Alors pourquoi faut-il le quitter ?

Face à nous, un petit lac, une lagune, une anse, une baie, que sais-je,  donne à ce lieu toute sa magnificence. A “Quinta Do Lago” les Grands Voyageurs du monde viendront un jour croquer quelques belles heures de bonheur.

                                                                                    

                                                                                                                                                                                                Rached TRIMECHE

(Juillet 1994)

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