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ANTIGUA,

ANTILLES ANGLAISES

 

                                                                            Par Rached Trimèche

www.cigv.com

 

 

 

Saint  John's. (Août 89). Avec 170 habitants au Km2, Antigua est la plus peuplée des îles britanniques sous le vent. A 6O kilomètres au Nord de la Guadeloupe, vivent 75 000 heureux insulaires sur une superficie de 443 Km2.

La toponymie à dominante anglo-saxonne rappelle toutefois la présence des Français tel que Rendez-Vous Bay. Saint  John's la capitale d'Antigua loge ses 3O 000 habitants au bord d'une baie profonde du sud de l'île. Cette île calcaire relativement plate est riche d'immenses plages de sables blancs, qui attirent plus d'un touriste.

 

Quarante-cinq minutes de vol pour parcourir, à bord de notre vieil avion LIAT en compagnie de dix-sept passagers, la distance qui sépare la Dominique d'Antigua. Nous survolons l'île de la Guadeloupe avec son îlot de Marie Galante et son estuaire qui ferme le coeur d'un large papillon.

 

Quelle surprise! Nous voici dans un véritable aéroport qui permet même l'atterrissage des gros avions. Ce n'est bien sûr ni l'aéroport de New York, ni celui de Francfort, mais c'est déjà un aéroport sur lequel cinq beaux avions sont soigneusement rangés. Notre chauffeur de taxi nous propose aimablement de nous conduire à l'hôtel Flamingo, et pour le même prix, de s'arrêter dans trois autres hôtels sur notre chemin, afin de faire le bon choix. Les trois hôtels étant complets ou trop chers, c'est au Flamingo que nous débarquons et à notre surprise une facture de taxi majorée de trois arrêts nous est présentée...

Un superbe vieil hôtel, doté d'un mini casino, surplombe une colline de St-john’s, tandis qu'unie à l'horizon, la mer, mouchetée de quelques grosses barques, se languit à nos pieds. Des flamboyants en fleurs rouges entourent une piscine muette et quelque peu mélancolique, faute d'amateurs.

Me voici prenant rapidement possession de ma chambre au premier étage, vérifiant le fonctionnement d'une fenêtre coulissante légèrement rouillée, d'un téléviseur des années soixante qui refuse de fonctionner et d'une salle de bain qui paraît très propre. Soudain c'est le drame! La porte de ma salle de bain ne veut plus s'ouvrir vers l'extérieur.

En ce début de nuit antillaise, me voici prisonnier au bout du monde, dans un hôtel perché sur une colline et dépourvu de clients.

Je crie, je hurle, je chante, je casse presque la porte, en vain! Une heure plus tard, il me semble écouter la voix de Fernand Reynaud (mais en anglais) qui dit : -" Qui c'est?". Cette matrone à la voix taciturne ouvre la porte de ma chambre et se fige derrière la porte de la salle de bain. C'est de nouveau les palabres antillais qui reprennent. Au bout d'une heure ( la deuxième déjà!) je discerne quatre voix derrière ma porte, qui me proposent à tour de rôle tout genre d'action que je dois entreprendre pour tourner la poignée de ma porte dans le bon sens. Finalement c'est John le nouveau manager américain de cet hôtel qui finit par m'écouter.

M'abritant dans un coin de cette minuscule salle de bain, je laisse le soin au "44" de John d'enfoncer la porte et de passer comme une trombe pour me libérer. Un punch maison noyé dans du lait de coco "répare" toutes ces émotions.

 

ANTIGUA ET BARBUDA

L'histoire d'Antigua est prosaïque. Santa Maria La Antigua,  la Patronne d'une église de Séville, donna son nom à cette île lors du passage de Christophe Colomb.

Trente ans plus tard, en 1543, les conquistadors espagnols commencent à déloger les aborigènes Caraïbes. Un siècle plus tard, venant de St Christophe (St Kitts) le capitaine anglais Warner occupe l'île. Pour se ravitailler et surveiller les îles voisines. La Grande Bretagne fit de cette île une base navale. C'est enfin en 1978 que ce pays (Antigua-Barbuda) acquiert son indépendance tout en restant au Commonwealth et en jouissant de la protection de la Grande-Bretagne.

 

BARBUDA, l'ancienne "Dulcina" est aujourd'hui une île dépendante d'Antigua. C'est ainsi qu'à 4O Km de distance émerge la seconde île du pays sur 16O Km2, et une population de 1500 habitants groupés essentiellement au village de Codrington.

Barbuda, plate île entourée de récifs coralliens offre des plages mirifiques et désertes, riches de millions de coquillages. Un vaste lagon rappelle les îles du Pacifique. Aujourd'hui seuls les ignames, le manioc, le choux et le pois peuvent pousser sur cet îlot perdu. la tutrice Antigua essaie de faire de Barbuda un Kenya antillais avec des safaris à travers une belle réserve de chasse.

Le sanglier, le daim, les sarcelles , les tourterelles, et les pigeons, par exemple, feront la joie de plus d'une fine gâchette. Le touriste pêcheur se régalera de baracuda, qu'il recherchera souvent entre les soixante-treize épaves coulées qui entourent l'île. Mais c'est la langouste qui reste reine en faisant de Barbuda l'île de la langouste. Au large, les requins, les snappers, les maquereaux, les tarpons, et les thazars forment l'éventail de la grande pêche.

 

ST-JOHN'S, cette capitale à l'aspect colonial, lovée au fond d'une baie a un plan en damier, avec des rues principales orientées Est-Ouest en direction du port. Market's Street est l'artère la plus animée, ponctuée de "pharmacy" à l'anglaise, véritables drugstores. La cathédrale St-John's bâtie au haut de la ville remonte à 1683. Sa structure externe  est faite de pierres cimentées et sa structure interne est en bois de sapin. Cette double structure, lui permet de résister aux cyclones et aux tremblements de terre, tout en créant une chaude ambiance à l'intérieur. Le cimetière de St-John's, ombragé par des filaos est devenu un véritable jardin public. Des cabris et des moutons y trouvent également refuge. Sur des épitaphes à peine lisibles, on déchiffrera par exemple que Lady Samuel est décédée le 7 novembre 1828.

Le vieux Palais de Justice (Court House), situé entre Long Street et Church Street a résisté au tremblement de terre de 1843.

Au centre ville, en se dirigeant vers la Marina par la High street, on est surpris par tant de banques: Barclay's, Well Bank of Canada et Bank of Nova Scotia qui font face au restaurant Brother's où une brochette de viande, la salade du chef et une bière locale s'imposent.

 

ECONOMIE

Nous sommes ce soir attablés à la terrasse d'un vieux restaurant antillais.

C'est le mur du fond, tapissé de liège (à l'origine), qui attire le regard de tous les clients. Imaginez près de 500 cartes de visites épinglées et vous constaterez une fois de plus qu'Antigua est le nœud gardien de ces Antilles anglaises. Le CIGV se frayera rapidement une place parmi ces 500 hôtes gourmets. La bière locale est très fraîche et le poisson est d'une saveur à chavirer plus d'un palais ! La brise est caressante et l'ambiance envoûtante. Le retour se fait à pied tout le long de cette rue en pente. La lune est ronde et ce champ de canne à sucre, à l'horizon, semble garder en mémoire l'économie et l'histoire du pays.

La culture ancestrale de la canne à sucre, elle-même précédée par celle du tabac, entraîne la déforestation complète de l'intérieur de l'île. L'exportation du sucre vers les îles britanniques, s'est réalisée grâce à l'aide de plus de 40 000 esclaves amenés au 13ème siècle  d'Afrique Occidentale. L'abolition de l'esclavage en 1834 provoque l'écroulement des plantations de canne à sucre.

Aujourd'hui, la paysannerie noire reste pauvre et le problème de l'eau n'est toujours pas entièrement résolu. L'énergie solaire (faute de barrage hydraulique) est ici convertie en électricité; une quarantaine d'hôtels de toutes catégories tentent de développer le tourisme.

Par sa régate internationale qui se déroule chaque année au printemps, Antigua est connue dans le monde entier.

Le tourisme d'Antigua est quatre fois supérieur à la population locale de 85 000 habitants. Par ce tourisme de riches, 1988 a rapporté 220 millions de dollars U.S. au pays. Ce même tourisme, véritable catalyseur économique a entraîné l'an dernier la construction de 31OO chambres supplémentaires.

Mais comme un peu partout en Amérique Latine, Antigua croule sous sa dette extérieure estimée à 252 millions de dollars U.S. soit 114% du P.N.B. (Produit National Brut).

Avec un P.N.B. par tête et par an de 24OO U.S.$ ( près du double de la Tunisie), Antigua et Barbuda font ainsi partie des pays relativement riches avec un classement de 82ème sur un total de 2O4.

Ici, la vie est très chère. Malgré un SMIG de 25O E.C.( 2,7 Eastern Currency pour un seul dollar U.S.), il faudra pourtant payer 150 000 U.S. $ un appartement et 20 000 U.S.$ un taxi, par exemple.

 

 

ADIEU ANTIGUA

Ce soir, nous sommes dans un beau petit restaurant de Long Street, une langouste royale nous est servie derechef, suivie d'une belle tranche de thon frais. La fraîcheur et la qualité du poisson sont un régal qui vaut le détour dans cette île.

 Nos voisins Canadiens nous demandent si nous avons bien remarqué à l'aéroport leur drapeau canadien à la feuille d'érable, flottant auprès de celui d'Antigua. Dans ces Antilles anglaises, le grand Canada tente une large percée dans ces micros pays, en les dotant gracieusement d'aéroports. Grâce au Canada, les fameux Jumbo-Jets pleins de touristes peuvent enfin atterrir à l'aéroport d'Antigua.

Après le dîner, nous nous laissons bercer par la brise du soir, pour aller de nouveau vers le débarcadère. Quelle surprise! Naf-Naf, Cartier, Dior, St Laurent et Gucci par exemple ont pignon sur rue, lovés dans d'admirables vitrines richement illuminées. Même Voguebijoux qui tout comme Burma imite les beaux bijoux a ici sa boutique. On se croirait dans ce dédale de ruelles piétonnes et de cours, à San Diégo, en Californie.

Tout au fond, c'est le casino de l'hôtel Hermitage qui attire cet élégant Japonais. Vêtu de blanc, du chapeau aux chaussures, il garde ses lunettes noires, sa gourmette d'or et sa démarche sûre des habitués du casino de St-John's.

Un peu plus loin, c'est une blanche camionnette toute propre qui est arrêtée devant un grand magasin. Sur sa portière s'étale en lettres vertes : "WET-FLOOR CAUTION" ou service de nettoyage pour grands magasins. On se croirait très loin de cette île ou le smicard doit encore "trimer" dans la campagne...

Des passants de plusieurs nationalités lointaines et voisines profitent de la douceur de cette soirée et doivent peut-être attendre avec impatience l'ouverture matinale des magasins.

                                                                                                                  ¸  

 

                                                               Rached TRIMECHE

(31/8/89)

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