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VOYAGEURS SANS BAGAGES

 

 

 

Par Rached Trimèche
www.cigv.com

 

Le prix du baril du pétrole a beau grimper à 52 dollars, la chaleur du mois d’août a beau atteindre 40°C à l’ombre et pourtant les aéroports regorgent de voyageurs allant vers les quatre coins de la planète. Le touriste aoûtien se leste souvent d’une grosse valise tandis que le voyageur s’astreint à un bagage à main. Les caprices du hasard et la fournaise estivale ont fait cet été que trois jeunes frères ayant effectués quatre voyages successifs en plein mois d’août subissent la même mésaventure.

 

Le premier empruntait il est vrai deux compagnies aériennes pour rallier Cluj-Napoca en Roumanie à Tunis via Bucarest et Rome après une année d’étude. Le second emprunte un vol d’une compagnie tunisienne et une autre espagnole pour aller fêter son bac à Palma de Mallorca via Barcelone. Le troisième rentre de vacances du Cameroun sur les ailes de la KLM et rejoint Munich via Amsterdam. Le quatrième voyage n’est autre que celui du jeune Roumain qui rebrousse chemin…après deux semaines à Hammamet. Quatre villes d’arrivée sans bagages : Tunis, Palma, Munich et Cluj-Napoca !

Au casino, dit-on la probabilité de toucher le Jackpot serait de un sur 10.000. Les bons proverbes latins disent en plusieurs langues « jamais deux sans trois » mais dans ce cas précis, le résultat de quatre voyages sur quatre se solde à chaque fois par un bagage perdu…

Depuis plus de 15 ans j’ai appris à mes dépends, un jour à Cayenne, en Guyane Française, qu’il était presque débile, voire inconscient, de voyager en été avec une valise. Depuis ce jour, je n’ai plus qu’un bagage à main pliable qui me suit dans toutes mes péripéties planétaires. Deux avantages certains. Un énorme gain de temps à la sortie de l’aéroport. Imaginez les 400 passagers d’un Jumbo-jet qui attendent leurs bagages à l’aéroport de Los Angeles. Le deuxième avantage est certes clair : on est sûr de retrouver à l’arrivée, sa brosse à dents et sa chemise repassée.

En 2004, le cas de ces trois jeunes frères (Alex, Anis et Zi) reste malgré tout stupéfiant, avec 100% de perte de bagages sur des compagnies aériennes telles que : Tunisair, Alitalia, Iberia, Carpatair, Tarom, K.L.M et Lufthansa. L’explosion du voyage en cette fin de siècle ne fait-elle pas du tourisme la première industrie mondiale ? Un seul pays, la France, ne reçoit-il pas à lui seul près de 75 millions  (sur 695)  de touristes par an ? D’autres suivent : le Kenya et l’Egypte retrouvent leur million et trois millions de visiteurs. La Tunisie et le Portugal leurs cinq et dix millions de visiteurs.

L’homme ce dromomane  né, touriste, voyageur ou même explorateur, n’est plus freiné par aucune peur. La crise du baril de pétrole fait flamber le prix de son billet d’avion et réduit le service à bord au ras des pâquerettes. Cet été Alitalia évite d’un doigt  le malheureux destin de Swissair, en scindant la compagnie en deux services.  D’un autre côté les Tours Opérateurs et les « last minute tickets » sur Internet nous offrent plus que jamais des prix alléchants sur les plages de Djerba, Punta Cana ou Fort de France. C’est que le nombre d’hôtels ne cesse de croître et que des fusions engendrent des monstres à l’instar du groupe Accor qui arrive à offrir des chambres d’hôtels à très bas prix.

 

Prix chocs et industrie du tourisme

La télévision avec des chaînes satellitaires telles que Liberty T.V du jeune tunisien basé à Bruxelles ou Voyage ou encore Travel vous incitent plus que jamais à acheter on line votre séjour aux Seychelles, à Saint Barth ou en Crête en vous présentant ces paradis terrestres sur leur angle le plus rêveur.

L’industrie touristique est devenue aujourd’hui la première industrie du monde et brasse un chiffre d’affaires annuel de 525 milliards de dollars US en 2003, engendrés par 694 millions de touristes (près du dixième de la population mondiale), dont 400 millions vont en Europe, 123 en Amérique et seulement 27 en Afrique. Cette industrie fait de dix pays les premiers « récepteurs » du monde : France (75 millions de touristes/an), Espagne (52), USA (40), Italie (39), Chine (33), Royaume Uni (25), Autriche (19), Mexique (18,7), Allemagne (18,5), et Canada 18,2 millions de touristes par an. Ils dépensent tous une moyenne de 740$ par jour, tout compris ! Mais les premières recettes touristiques se font surtout par: les USA, l’Espagne, la France puis l’Italie ! Cette explosion touristique est certes un exemple édifiant de la globalisation.

En 2020, demain, la Chine changera ce classement et sera le premier pays récepteur avec 137 millions de touristes et le nombre de touristes doublera dans le monde pour passer de 660 à 1560 millions de personnes. Et dire qu’ils n’étaient que de 25 millions en 1950. Caramba !

Durant les 7 premiers mois de  cette année 2004, 16 millions de Chinois ont voyagé à l'étranger, en  hausse de 64% en glissement annuel. De nos jours, les Chinois sont autorisés à visiter 73 pays et  régions dans le monde avec la signature d'accords de "destination  autorisée". La Thaïlande était la première destination pour les touristes  chinois en 1988.

D’un autre côté, les gros pays émetteurs restent l’Allemagne, les USA et le Japon.

 

Voyages culturels 

Le voyage a souvent un rôle ambivalent lorsqu’il a pour objet la visite de sites archéologiques et monumentaux ou de musées. D’un côté, il est considéré comme un facteur privilégié d’éducation et de sociabilité: il conduit le visiteur à mieux comprendre les particularités culturelles des communautés qui l’accueillent. De l’autre, il est identifié comme un risque majeur, en particulier dans les cas de sur-fréquentation ou lorsqu’il s’agit de sites fragiles.

Dans la plupart des grands pays touristiques récepteurs (hors Etats-Unis et Royaume-Uni), les sites culturels sont de longue date gérés par les institutions publiques. Les recettes touristiques qu’ils génèrent sont pour l’essentiel réutilisées à leur profit. Elles peuvent être complétées par d’autres financements publics et privés. Mais, dans certains cas, les ressources provenant de l’exploitation des sites sont utilisées à d’autres fins que leur préservation et leur valorisation. La situation économique de certains pays peut le justifier. Il n’empêche qu’une telle logique conduit à surexploiter les ressources patrimoniales tout en réduisant les investissements nécessaires à leur préservation et à leur présentation. Plus grave, elle peut donner lieu à la création d’équipements touristiques, en particulier hôteliers, qui, lorsqu’ils sont mal situés et d’une médiocre qualité architecturale, nuisent à la qualité et à l’authenticité des paysages culturels. Les difficultés rencontrées pour élaborer et mettre en œuvre les programmes d’aménagement des sites d’Angkor (Cambodge) ou de Pétra (Jordanie) en témoignent.

Au Royaume Uni, les recettes annexes (objets dérivés, vente par correspondance, restaurants) du National Trust, gestionnaire privé de plus de 500 édifices historiques et sites naturels, dépassent 75 millions de dollars. A New York, celles du Metropolitan Museum avoisinent les 110 millions de dollars.

Un vieux proverbe dit : « Les peupliers ne sauraient monter jusqu'au ciel » .La croissance du tourisme mondial ne saurait être indéfinie ! Il est d'ailleurs difficile de regarder  loin  ( ... ) car , comme l'écrivait Keynes ,  « sur le long terme nous serons tous morts » . Pour les dix prochaines années , les conditions d'une nouvelle expansion paraissent rassemblées .Le rythme de celle-ci néanmoins laisse place à une forte marge d'incertitude »

 

 Boulimie voyageuse

Le monde a changé. Le prix du voyage s’est démocratisé et la boulimie  voyageuse s’est amplifiée. Ne vous étonnez pas de perdre vos bagages si vous décidez de voyager au mois d’Août. Toutefois ce tableau bucolique est taché de deux ombres honteuses : La première porte une date horrible, le « 11 Septembre » qui plus que jamais a divisé le monde en deux. Seuls les citoyens de près de 25 pays sur 245 peuvent aujourd’hui circuler librement à travers la planète. Les autres, l’écrasante majorité de la population devra affronter le calvaire et les sévices d’un hypothétique visa. J’ai dû moi-même affronter dans ma vie, 150 consulats et ambassades (sur mes 179 pays visités) en quête d’un précieux visa. Un T.G.V (Très Grand Voyageur) Australien, Néo Zélandais, Américain, Japonais, Canadien ou Citoyen de l’espace Schengen ne connaît pas sa  chance de pouvoir visiter 100 pays, presque sans visa aucun.

 

La seconde ombre au tableau est encore plus néfaste voire macabre. Souvent, assez souvent hélas, « les gens du voyage » les touristes et les voyageurs sont pris en otage. Certes, les lumières du 29 Septembre 2004 au Colisée de Rome ont remplis de joie les cœurs des Romains et de l’ensemble de l’humanité. Le retour au bercail des deux Simone embrasse plus que jamais les maîtres mots du CIGV « Paix, Pace et  Peace in the World ». Nul n’a le droit de prendre un humain en otage et surtout pas des femmes et des enfants. La série est hélas bien longue et seule une nouvelle puissance dotée de sagesse, d’équité et de raison peut commencer à essayer de mettre de l’ordre à la maison Terre et permettre à tout un chacun de pouvoir circuler en Paix. De vivre en Paix. Le rêve du voyageur n’est –il pas d’aller vers l’Autre, de gagner son amitié, épouser sa différence et faire preuve de tolérance. Ce voyageur refuse de devenir otage, rejette l’injustice, clame l’égalité et rêve même à haute voie d’une « sauf conduit » qui lui permettrait comme le dit si bien le Professeur Leonardo Giardina « d’avoir une immunité  onusienne pour continuer à parcourir le monde ». Plus que jamais, le grand voyageur est un apôtre de Paix et un messager d’Amour et d’Amitié. Caramba ce que le monde est vaste et ce que le chemin est encore long. Qu’importent les valises perdues, les longues queues humaines devant les consulats quand on garde en soi encore intacte cette soif insatiable de découvrir le monde et de mieux connaître l’homme. Plus que jamais le voyageur reste cet éternel enfant à l’image de notre première de couverture à la pupille dilatée, au nez au vent et aux oreilles aux aguets. L'impulsion du voyage reste l'un des plus encourageants symptômes de la Vie. Bon Voyage !

 

 Rached Trimèche
www.cigv.com